Chronique «Un goût de forêt» par Laurence Burton
De la mi-avril à la mi-mai au Québec, c’est la période de cueillette des fameuses têtes-de-violon, très recherchées en forêt. Il s’agit en fait des jeunes crosses de la matteucie fougère-à-l’autruche (Matteucia struthiopteris var. pensylvanica). Voici comment vous adonner à cette belle activité de plein air, de manière sécuritaire et en respectant la nature.
Voici des petits trucs pour bien identifier les têtes de violon, mais avant tout, rappelons que la matteucie est maintenant considérée comme vulnérable à la récolte, et est protégée au Québec par la Loi sur les espèces vulnérables et menacées, c. E-12.01.
Pourquoi ? Il s’agit pourtant d’une plante très fréquente au Québec. Mais dans les dernières années, les crosses sont devenues tellement populaires que la récolte exerce une pression sur la survie à long terme de la plante. De plus, elle est très recherchée sur le marché de l’horticulture et de l’aménagement paysager et, comme elle peut prendre quelques années avant de devenir intéressante pour le marché commercial, certains fournisseurs la prélèvent directement en nature (en entier) pour sauver des coûts, ce qui fait baisser sa population sauvage.
Comme cueilleur, il est interdit de prélever plus de cinq spécimens entiers ou parties souterraines de cette plante en milieu naturel par année et par personne, et de les vendre. Toutefois, la culture est permise et l’interdiction ci-dessus ne s’applique pas dans le cas d’une culture (exemple : production en serre, en champs, en boisé aménagé, etc.). Il n’y a pas de règle spécifique quant à la cueillette des crosses (qui ne sont pas des spécimens entiers ou parties souterraines). Toutefois, étant donné leur popularité, il est important de faire une cueillette responsable.
Il est ainsi recommandé de ne cueillir pas plus de deux à trois crosses par couronne, ce qui correspond au quart environ par rapport à la douzaine de crosses qui sort dans une saison sur une couronne. Les autres crosses non cueillies pourront se déployer, devenir des feuilles, et ainsi effectuer un processus de photosynthèse nécessaire pour emmagasiner l’énergie afin de produire de nouvelles crosses l’année suivante. Évitez aussi de revenir à la même couronne au courant de la même année, et soyez attentif lorsque vous découvrez une nouvelle talle pour voir si une cueillette a déjà été faite.
Par prudence, il est important de bouillir les têtes de violon pour éviter certains malaises gastriques, dont des symptômes semblables à ceux de la gastroentérite. À l’heure actuelle, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) n’a pas encore identifié la cause exacte des malaises gastriques causés par les têtes-de-violon chez certaines personnes. Il est soupçonné qu’il s’agirait d’une toxine qui serait soluble dans l’eau. Une autre hypothèse est que, comme les têtes-de-violons au printemps sont parfois ensevelies sous l’eau dans les zones inondables, l’eau pourrait transporter des éléments pathogènes qui s’accrocheraient aux têtes-de-violon.
Dans tous les cas et peu importe la source des malaises, il est préférable pour l’instant, en attendant plus de recherches, de faire bouillir les têtes de violon. À cette fin, plusieurs sources d’information vous donneront différentes méthodes. Le MAPAQ recommande de les cuire une fois dans l’eau bouillante pendant 15 à 20 minutes.
Toutefois, plusieurs chefs et experts des plantes sauvages comestibles ont préparé les têtes-de-violon différemment au fil des années, sans que quiconque ne soit jamais malade. Je vous partage ici ma méthode, inspirée des enseignements que j’ai reçus au fil des ans, et avec laquelle je n’ai jamais été malade. Toutefois, s’il s’agit de votre première consommation de têtes-de-violon ou que vous n’en connaissez pas la provenance, suivez les recommandations officielles du MAPAQ.
La cueillette de plantes sauvages en forêt vous intéresse? N’hésitez pas à aller consulter le site Un goût de forêt pour découvrir les activités de cueillette proposées cette année, dont plusieurs se tiendront dans la belle région des Laurentides. Aussi, vous pourrez bientôt acheter le livre sur la cueillette de plantes au Québec, signé par Laurence Burton, lequel sera disponible dans toutes les librairies à la fin du mois d’avril.